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Naissance du Franc

5 décembre 1360. La naissance du franc s’inscrit parmi les épisodes bien connus de l’histoire du XIVe siècle. La guerre qui sera de Cent Ans dure depuis vingt ans. 

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Guerre de 100 ans et peste noire
La création du franc, en 1360 s'inscrit dans un contexte de crise. En effet, au milieu du 14e siècle, la France subit l'épreuve des épidémies, des troubles civils, de la guerre et du marasme économique.
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Vers 1350, dix ans avant la création du franc, le royaume de France vit l'une des pires crises de son histoire. Entamée en 1337, une guerre qui durera plus de Cent Ans voit s'affronter armées anglaises et françaises pour le trône. Supérieurs par leurs armes, les Anglais commencent par remporter de nombreuses batailles, lorsque les hostilités cessent brusquement, en 1348.
Guerre de 100 ans et peste noire
La cause n'est pourtant pas la conclusion heureuse d'un paix, mais une épidémie dévastatrice. 
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Introduite dans le port de Marseille en 1347, la peste bubonique se propage rapidement le long des voies de communications terrestres et et nautiques. Extrêmement contagieuse du fait de la surpopulation des villes, du manque d'hygiène, de la disette et de l'impuissance de la médecine médiévale, elle s'étend en quelques années sur toute l'Europe : France, Italie, Angleterre, Germanie, Espagne, puis Scandinavie, Pays-Bas, Russie... Pendant dix ans, la vie semble s'arrêter sur le continent.
L’économie est exsangue, la population a été durement frappée par la Peste Noire, les États généraux mènent le combat contre le pouvoir royal, Paris a soutenu l’insurrection d’Étienne Marcel et les Jacques ont battu les campagnes proches de Paris. Dans ces conditions, l’impôt ne rentre plus guère et la monnaie s’effondre. En quatre ans, la livre tournois, unité majeure de l’échelle des prix, perd les neuf dixièmes de sa valeur, c’est-à-dire du poids de métal qu’elle représente.
Les déboires financiers de Jean II le Bon
Les ravages de la peste ont suspendu les hostilités entre le roi de France et le roi d'Angleterre, d'autant que la guerre avait englouti tout l'argent dont le roi de France pouvait disposer.
Jean II le Bon convoqua donc les états généraux à Paris ; il obtint des subsides de ces derniers en l'échange d'une promesse de retour à une monnaie stable. De nouveaux impôts lui permirent de solder des troupes mais les états voulaient en compensation contrôler l'affectation des sommes : leur méfiance était forte à l'égard d'un roi considéré comme dépensier et mauvais gestionnaire. Les critiques, appuyées par Charles le Mauvais, roi de Navarre et gendre de Jean le Bon, se multipliaient à l'encontre de l'administration royale. L'emprisonnement de Charles le Mauvais servit de prétexte à la relance de la guerre.
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Vaincu à Poitiers (19 décembre 1356), Jean le Bon est captif à Londres. On n’est pas obligé de traiter après une défaite. La guerre peut continuer si les deux forces en présence sont suffisantes. Il n’en va pas de même quand le roi de France est prisonnier. L’honneur du royaume veut qu’on le libère. Force est de traiter, et la défaite va se solder de deux manières : une cession territoriale qui est le prix de la défaite, et une rançon qui est le prix de la libération du roi. Elle sera de 3 millions d’écus.

Payer une rançon, ce n’est pas solder des compagnies. Des sacs d’or – 3 millions font environ une tonne – vont, en un bref laps de temps, sortir du royaume. De l’or, et non de l’argent. C’est un transfert de numéraire sans retour. Autant dire que le cours de l’or connaît une brusque ascension. Il passe de 65 à 86 livres tournois. Il faut calmer le jeu et rétablir un marché monétaire normal.
Le traité de Brétigny
Les perspectives ouvertes par le traité de Brétigny, dès l’automne de 1360, ont rendu possible et souhaitable une baisse du cours légal de l’or. Le 24 octobre 1360, le traité de Calais entérine les clauses de Brétigny. Le roi va regagner Paris. Le 5 décembre, alors qu’il est déjà à Compiègne, on publie deux ordonnances organisant l’impôt qui paiera la rançon et le remplacement du royal d’or par « un franc d’or fin ». Il va de soi que, les conseillers financiers et les professionnels de la monnaie étant à Paris, ce n’est pas le roi lui-même qui, à Calais ou à Compiègne, a pris la décision. C’est bien le gouvernement du règent Charles qui a choisi les deux termes, fiscal et monétaire, de la conséquence financière du traité de Brétigny.

Ce franc, dit franc à cheval parce qu’on y voit un chevalier, sera compté pour 20 sous alors que le royal l’était pour 25 sous, et finalement pour 30. Le cours légal du marc d’or monnayé est ainsi ramené à 63 livres tournois.

Vingt sous, c’est une livre. Après un bref épisode en 1348, c’est la première fois que cette génération voit la monnaie d’or correspondre à l’unité lourde de la monnaie de compte. Livre et franc sont synonymes, et la stabilité qui suit pendant un quart de siècle institutionnalise cette synonymie. On prend donc l’habitude de dire un franc pour une livre tournois.
Pourquoi Franc ?
On a souvent dit que l’espèce nouvelle devait son nom à la libération du roi, ainsi rendu franc de sa captivité. Mais d’un prisonnier qui recouvre sa liberté, on dit qu’il est libéré. Nul ne dit qu’il est affranchi, le mot étant réservé à une catégorie inférieure de la population. 
Or en cette fin du Moyen Âge, un « Franc », c’est un membre du peuple franc. Le roi de France est rex Francorum. Le mythe de l’origine troyenne des Francs connaît alors une belle fortune et la fierté d’appartenir au peuple franc est de celles que cultivent à la fois la royauté, l’abbaye de Saint-Denis et l’aristocratie. Le même mot a signifié, à l’époque des croisades, les chrétiens d’Occident en Terre Sainte.
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Frappée sous l’autorité effective du gouvernement du régent – le futur Charles V, que l’on a longtemps vu opposé à son père – la nouvelle monnaie, qui représente un chevalier et non le roi en majesté, met sans doute en valeur le rôle de la nation France et celui de la noblesse, et ce aux dépens du roi vaincu dont la rançon ruine le pays. En 1365, le franc de Charles V, le franc « à pied », sera à l’effigie du souverain en majesté.
Fidélité de vocabulaire
Lorsque disparaît le franc en tant qu’espèce en circulation, le vocabulaire demeure. À la fin du XVIIIe siècle encore, on dira un franc pour une livre tournois, et cela même dans des comptes officiels. Le gouvernement de la Convention n’aura aucun effort d’imagination à faire pour remplacer les mots « livre tournois » par le mot « franc ». On ne peut s’étonner que ce même nom ait été repris par la Confédération helvétique en 1799 et, dès leur création, par le royaume de Belgique et par le grand-duché de Luxembourg.

Quant à la France, elle restera fidèle à ce nom hérité du Moyen Âge. Des appellations comme franc de Germinal ou franc Poincaré ne seront que des commodités pour souligner des stabilisations après dévaluation. Le « nouveau franc » créé en 1958 – un pour cent francs – sera rebaptisé « franc » en 1962, ce qui n’empêchera pas les Français de continuer à exprimer bien des valeurs en « anciens francs ». Il faudra la création et l’adoption en 2001 de l’euro – non réductible à un nombre simple de francs – pour en finir définitivement avec le franc.
Sources : essentiel.bnf.fr et francearchives.fr

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