Nouvelle France :

Les Filles du Roy

Ou comment des françaises sont venues remédier aux enjeux démographiques de la Nouvelle France

Contexte

Les Filles du roi (ou « Filles du Roy », selon la graphie de l'époque) sont des jeunes femmes envoyées en Nouvelle-France sous la tutelle du roi Louis XIV, entre 1663 et 1673, pour s'y marier, y fonder un foyer et établir une famille pour coloniser le territoire.

La Nouvelle-France du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, se consacre surtout à des activités en lien avec le commerce de fourrures.

Avec seulement 6,3 % de femmes, la population est principalement composée d’hommes, et l'écart entre les sexes ne fait que se creuser. En échange d’un monopole sur la traite des fourrures, une politique d’augmentation de la démographie est mise en place à court terme. L’objectif est de rétablir la parité entre les sexes en l’espace de 15 ans en faisant venir des femmes de France. 

Une campagne de recrutement pour trouver de jeunes filles à marier s’amorce dans plusieurs régions de la France (mais également de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la Belgique, du Portugal et de la Suisse). Celles-ci sont recrutées de façon volontaire. Les femmes sont essentiellement issues de milieux pauvres et sont en quête de meilleures conditions socio-économiques. 

Comme le roi fournit une dot et couvre les dépenses de leurs déplacements vers la Nouvelle-France, environ 770 jeunes femmes arriveront à Québec entre 1663 et 1673. En moyenne, les jeunes filles se marient en l’espace de 5 mois. Leur arrivée sera à l’origine de 606 mariages. Ces derniers porteront leurs fruits avec un rétablissement de la parité hommes-femmes et une augmentation de la démographie en l’espace de 10 ans avec plus de 4500 naissances.
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Origine du terme
Le terme « Filles du Roy » fut employé pour la première fois seulement en 1698, dans les écrits de Marguerite Bourgeoys, sainte catholique emblématique de Montréal. Entre 1663 et 1673, période d'arrivée des Filles du roi, c'est le terme « filles à marier » qui est utilisé : c'est le terme commun à toutes les vagues d'immigration de jeunes filles.

L’expression « Filles du Roy » sous-entend que ces immigrantes étaient les pupilles de Louis XIV et qu'à titre de protecteur, celui-ci suppléait aux devoirs de leur père naturel en veillant sur elles et en les dotant. C'est en effet la Couronne française qui se charge des dépenses liées au transport et à l'établissement des Filles du roi, en plus de leur octroyer une dot de 50 livres afin qu'elles puissent se marier une fois arrivées en Nouvelle-France
La moyenne d'âge des Filles du roi est de 24 ans. La plupart d'entre elles viennent de l'Île-de-France, des alentours de Paris ou des provinces de l'ouest de la France (Aunis, Saintonge, Poitou et Touraine). Bien que la plus grande partie du groupe soit d’origine française, on y trouve également quelques femmes issues d’autres peuples. Certaines sont originaires d'Allemagne (Marie Vanzègue, 1673), de l'Angleterre (Catherine de Lalore, 1671), de Belgique (Marie-Anne Bamont, 1673) du Portugal (Espérance Du Rosaire, 1668) ou encore de la Suisse (Barbe Duchesne, 1671).

La plupart des Filles du roi étaient des célibataires d’origine modeste, mais on dénombre quelques filles de haut rang, parfois de la petite noblesse. Bon nombre étaient issues de familles terriennes, plusieurs étaient orphelines. Parmi elles se sont glissées quelques veuves dont certaines avaient déjà donné naissance à un enfant.
Contexte: un débalancement démographique en Nouvelle-France
Au XVIIe siècle, les activités commerciales de la Nouvelle-France, colonie française d’Amérique du Nord, sont encore axées sur l'exploitation du commerce des fourrures. Ce commerce se fait alors sous l'impulsion de la compagnie des Cent-Associés, aussi appelée Compagnie de la Nouvelle-France. Fondée le 6 mai 1628 par le biais d'un édit royal, cette compagnie de commerce obtient de la Couronne française le monopole de la traite des fourrures. En échange, elle doit faire passer de 200 à 300 le nombre d'hommes sur le territoire dès 1628 et à 4 000 le nombre de personnes des deux sexes en 15 ans.

Pendant les quarante ans d'existence de la compagnie des Cent-Associés, la majorité des habitants de la colonie restent toutefois des hommes: coureurs des bois, commerçants ou encore militaires. En 1665, la proportion d'hommes augmente encore plus avec l'arrivée du régiment de Carignan-Salières. En 1666, on dénombrait dans la colonie 719 célibataires masculins âgés de 16 à 40 ans pour seulement 45 filles célibataires dans la même tranche d'âge.

La Fondation de Ville-Marie en 1642 permet l'arrivée de quelques femmes dans la colonie et, de 1634 à 1663, plus de 200 filles célibataires étaient venues s'établir en Nouvelle-France (les « filles à marier »). Ce n'est néanmoins pas suffisant pour pallier le déséquilibre démographique. 
Le 24 février 1663, la compagnie des Cent-Associés est dissoute à la demande du roi Louis XIV, qui reprend le contrôle de la colonie par le biais d'un Conseil souverain : l'effort de peuplement de la Nouvelle-France est alors véritablement amorcé.
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Jean-Baptiste Colbert
Recrutement
C'est Jean-Baptiste Colbert, principal ministre d'État de Louis XIV, qui est à la tête du recrutement des Filles du Roi : il promet dix livres par recrue à des embaucheurs, des marchands et des armateurs. Ces derniers sillonnent alors le Royaume de France à la recherche de candidates. Ils recrutent des jeunes filles dans les maisons de charité ou encore les hôpitaux généraux de Paris, La Rochelle, Rouen ou encore Dieppe. Plus du 1/3 des Filles du roi sont issues de la Salpêtrière, un hôpital parisien dédié à soutenir les miséreuses et les exclues. Les maisons de charité, financées par l'État et tenues par des religieuses, ont été créées dans l'objectif de venir en aide aux jeunes filles veuves ou orphelines (près de 2/3 des Filles du roi le sont de père, de mère ou des deux parents). Ainsi, la majorité des Filles du roi sont issues de milieux modestes, voire pauvres. Au total, elles seront 8000 à faire la traversée.

Le clergé français contribue également de façon soutenue à l'effort de recrutement. Les curés sont au cœur du processus, à l'image du curé de la paroisse Saint-Sulpice, Monsieur de Bretonvilliers, qui recrute 46 des 327 Filles du roi issues de Paris. Bien que Louis-XIV désire une Nouvelle-France catholique, certaines jeunes femmes recrutées sont protestantes. Si leur foi est découverte, ces dernières doivent se convertir en arrivant en Amérique du Nord si elles veulent se marier (à l'image de Marthe Quitel en 1665 et Catherine Basset en 1667.

Bien que la question soit encore matière à débat, les sources disponibles semblent indiquer que les Filles du roi ont volontairement quitté la France. Issues de classes modestes, à une époque où la sécurité sociale n'existe pas, elles peuvent bénéficier du financement de l'État, notamment pour se marier et éventuellement obtenir une terre. Les Filles du roi quittent donc vers la Nouvelle-France dans l'espoir d'accéder à de meilleures conditions socio-économiques
Le voyage vers l'Amérique
Les premiers contingents de Filles du roi sont transportés dans les vaisseaux du roi de France (c'est la Compagnie française des Indes occidentales qui s'en charge à partir de 1665). On assigne à chaque contingent des femmes « bien recommandées », chargées de maintenir une discipline rigoureuse et de s'assurer que la pénible traversée de trois mois vers la Nouvelle-France se déroule bien.
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Voici la lettre fictive qu'Adrienne Leduc envoie à son aïeule, Jeanne Faucheux épouse Leduc. À travers cette lettre, elle retrace les pas de Jeanne, de la France à la Nouvelle-France. À la fois touchante et tendre, ce récit nous aide à comprendre les enjeux du 17e siècle.

Source : La destinée d'une fille du Roi - Adrienne Leduc

Bibliographie

Romans

Audio Visuel

Références

Ouvrages

  • Société d'histoire des Filles du Roy, Les Filles du Roy : pionnières de Montréal, Québec, Éditions du Septentrion, 2017, 684 p.
  • Irène Belleau, Les Filles du Roy de 1663 : recueil de biographies des 36 premières Filles du Roy arrivées en Nouvelle-France, Québec, Société d'Histoire des Filles du Roy, 2015, 242 p.
  • Yves Landry, Orphelines en France, pionnières au Canada : les Filles du roi au XVIIe siècle : suivi d'un Répertoire biographique des Filles du roi, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2013 

Romans

  • Madeleine Arnold-Tétard, Les filles du roi : roman, Vanves-France, Éditions du Bout de la rue, 2017, 298 p.
  • Nathalie Lagassé, Tel était leur destin, tomes 1 & 2 : Les racines d'un village, Montréal, Hurtubise, 2017 
  • Sergine Desjardins, Marie Major : roman historique inspiré de la vie d'une Fille du roi dont l'époux, Antoine Roy dit Desjardins, fut assassiné, Laval, Guy Saint-Jean éditeur, 2015, 484p

Audio Visuel

  • Danielle Pinsonneault, (invitée) et Éric Bédard (animateur), «Les Filles du Roy (1663-1673)», 1re rencontre de la série Figures marquantes de notre histoire, MAtv, 20 septembre 2016. 
  • Société d'histoire des Filles du Roy, Hommage aux mères de la nation : coffret souvenir des célébrations, 1663-2013, Montréal, Les Films du 3 mars, 2016, 3 disques DVD.
  • Michel Belleau, Colloque sur les filles du Roy : mères de la nation québécoise!, Québec, ABLA, 2009, 2 disques DVD.

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